La fillette maigrichonne marche dans la ville. Trainant les pieds, son corps longiligne tangue dangereusement, ses bras osseux suivent les courbes envoutantes. Détruire ou baiser le monde, c’est un idéal plus qu’une idée. Déglutissant sa gerbe de la veille, ses narines la font souffrir. Trop de poudre blanche, une pincé d’artifices, quelques restes brisés du pays aux mille merveilles. Déesse ou monstre d’un scientifique dégénéré. Elle arpente les tripes du secteur répugné, nuit orageuse. Soirée étouffante et sans sens. Le trottoir grouille d’infectes bestioles, purulente plaie ouverte qu‘on lui met maladroitement sous le nez. Elle trébuche, la cheville se tord et la jambe se vrille. Le cerveau en bouillie, il hurle famine et postillonne ses acides contre le malheureux crâne troué. Réalité haletante. Rien de bien croustillant, purée agréable dont il serait plus sage d‘éviter ; avant de ne s‘y affaler au dedans et de s‘y enliser à jamais. Trop tard ! Cette amère crétine prendrait presque un plaisir malsain a patauger de la sorte dans son ignorance et sa candide vision de l’univers. Cauchemar sanguinolent, la démence effleure son esprit. Charmante folie. Cosmos qu’elle ne tend qu’a empoisonner, crachant vipères aux travers ses dents jaunies par la nicotine. Elle mordra de toutes ses faibles forces les chairs qu’on lui donne par amitié ; dépourvue de pitié. Posant sa morsure tel un baiser ; de ses lèvres pleines à la couleur d’un rouge écarlate. Un bouton de rose, un coquelicot fané. Ava est une énigme, que l’on s’affaire à vouloir cerner. Elle attire, et effraye aussitôt les limites de sécurité dépassées. Pourtant, l’adonis de ses rêves crapuleux, l’ange de l’apocalypse qui lui a été assigné, manque à tous ses devoirs et l’ignore d’une honteuse manière. Arrogante vermine, seigneur idolâtré. Elle n’a nullement ce qu’elle veut, on lui refuse catégoriquement l’une de ses obsessions maladives et répugnantes. Puisque puissante agonisante, vierge sur son lit de mort, elle le devient jour après jour. On ne prie pas les hommes, ils ne rendent que des péchés discordants. Comme une délicieuse symphonie, les trombones et les cors de chasse sonnent son heure de décès. Les chiens enragés viendront bientôt lui mordiller amoureusement son petit cou de poulet. C’est si beau, une fille qui retient ses larmes. Qui ravale ses cries. Qui endort ses fantasmes.

Et ses bottines de cuir lassé, l’amènent à son tombeau superbe. Positionnée devant la gueule du monstre, elle distingue son pathétique reflet. Avait t’elle rendez vous ? Oui. Non. Personne ne reçoit aux alentours de minuit. Depuis quelques semaines, l’animal tourne dans sa cage étriquée. Réfléchis et grogne, jusqu’à se laisser tenter. Son visage la fait défaillir, il est là. Ava sentirait son souffle si seulement ce dieu vérolé le lui permettait. Comme une claque qu’elle reçoit ; sa tête paraît s’être décollée de son socle, roulant sur le trottoir et goutant le béton à la pisse divine. Aucun sens morale, aucune éthique si ce n’est celle d’un professionnel froid au cœur de glace. Ce qu’elle veut, c’est qu’il la touche de ses doigts infâmes, que Dante caresse ses membres et fasse couler son vin tiède. Pareil au délire de psychotique névrosée, sa bouche s’étire. Un ignoble sourire s’incruste, sans qu’elle ne le décide. Il abime son minois d’hautaine ou serait-ce espiègle ? Demoiselle. Poupée de chiffon tâchée et malodorante. Parfum sucré, fruits rouges ; pathétique évidence. Envoutante et redoutable sorcière, redoublant d’ingéniosité et de charme. Morue d’égout, sac poubelle éventré, dégoulinant de miel et de jus nauséabond. Un pas devant l’autre, elle déraille, se perd et s‘éteint. Disparaît comme un spectre mort, une poussière d‘étoiles. Prête à se faire dévorer la cervelle et l’âme. On lui murmure d’absurdes paroles, sa peau pique. L’arracher est une affaire de logique, ses ongles s’enfoncent si profondément qu’elle n’en sentirait pratiquement plus la sulfureuse douleur. Asticots blancs gigotant pour s’extirper. La princesse déchue gémie pour ne pas chialer. Jouissance extrême, l’indolente musaraigne s’éveille. Contradictions s’enchainent, le mauvais trip s’affaire ou s'attarde. Inspirant sévèrement l’atmosphère alentour, ça lui brûle les poumons. Une coulée de lave qui langoureusement transperce son cœur nocif. Grille sa barbaque putride. Joli tableau d’une madone virée de son trône, balancée aux lions. « Crève. » chuchote t-on doucement à son oreille. Aventure intérieure, indisposition mentale. Elle crève ou rêve. Elle perçoit la vie se tortiller dans ses putains de veines.